Un regard sur…

Retraite par capitalisation ou répartition, un faux débat

Hausse de l’espérance de vie, vieillissement de la population, diminution du nombre d’actifs… L’avenir de notre système de retraite, fondé sur la répartition, semble compromis. Face aux inquiétudes des Français, les décideurs paraissent hésiter à s’emparer du sujet de la capitalisation, pourtant porteur de pistes intéressantes pour les actifs et les futurs retraités – et pour ceux qui les conseillent. Nous faisons donc un point sur la situation du système par capitalisation, ses réalités, ses enjeux… et ses perspectives.

Alors que 83 % des Français craignent de manquer d’argent une fois la retraite arrivée[1], selon le rapport 2023 « Les Français, l’épargne et la retraite » du Cercle des Épargnants, et que l’on compte actuellement 1,7 actif cotisant par retraité[2] contre 4 en 1950[3], le système historique français de retraite par répartition a du plomb dans l’aile. On remarque cependant une grande absente : la retraite par capitalisation, sujet devenu quasiment tabou face aux enjeux du système par répartition. Le nombre de Français disposant d’une complémentaire retraite est en croissance soutenue depuis plus d’une décennie : alors qu’ils étaient 9,1 millions de cotisants individuels en 2011, on en dénombre 15,3 millions aujourd’hui[4].

Rappelons que le système par répartition consiste à financer les pensions des retraités actuels par les cotisations des salariés. Le système par capitalisation, de son côté, place l’initiative entre les mains des salariés, qui financent leur propre retraite. L’épargnant décide ainsi de la part de revenus qui sera allouée à son épargne retraite, mais également des placements qu’il ou elle souhaite privilégier en fonction de sa situation. Cette épargne peut se faire avec le concours de son entreprise, de sa banque, de son assureur ou en passant par un fonds de pension privé. Le capital ainsi constitué durant la vie active est disponible une fois l’heure de la retraite arrivée, en capital disponible ou par le versement de rentes.

Le système par capitalisation, de son côté, place l’initiative entre les mains des salariés, qui financent leur propre retraite.

La capitalisation, souvent oubliée mais déjà appliquée

Si la retraite par capitalisation est un sujet délicat, il est à noter qu’elle existe de facto pour certains corps professionnels qui ont conservé ou réinstauré une composante de capitalisation, pour pallier les failles du système par répartition. Pour les pharmaciens, à travers la Caisse d’Assurance Vieillesse des Pharmaciens (CAVP) ou les fonctionnaires depuis 2005, des systèmes de capitalisations collectives permettent aux retraités d’obtenir un rendement supérieur à ceux d’autres actifs dépourvus de ces systèmes complémentaires[5]

Par ailleurs, l’État français souhaite encourager le recours à la capitalisation depuis quelques années déjà, notamment par la loi Pacte, qui instaurait en 2019 un nouveau dispositif, le PER (Plan épargne retraite). La solution « capitalisation » représente ainsi déjà 250 Mds€ d’encours en France. À la fin de l’année 2020, 14,3 millions de Français – soit un salarié sur cinq – cotisaient à un produit d’épargne retraite, selon la Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques (DREES)[6]. L’idée d’une alternative à la retraite par répartition a donc déjà fait son chemin chez les épargnants, en quête de solutions et de conseils pour préparer un avenir serein.

PER et assurance-vie, des supports déjà largement utilisés

L’assurance-vie est considérée par les Français comme étant l’une des meilleures formules d’épargne retraite quand bien même elle s’avère être un outil idéal pour la transmission du patrimoine, sur le plan fiscal, plutôt qu’un support dédié à la retraite – un rôle dévolu au PER sous ses formes individuelles et d’entreprise depuis la loi Pacte. Les cotisations en assurance-vie représentaient 144,4 Mds€ sur l’année 2022, avec une collecte nette de 14,3 Mds€[7]. Flexible, offrant une fiscalité avantageuse à partir de huit ans, l’assurance-vie permet d’épargner sur divers supports financiers : unités de compte ou fonds en euros. La hausse des taux devrait aider les fonds en euros, majoritairement investis en produits obligataires, à renouer avec le rendement[8].

Face au contrat d’assurance-vie, le PER commence à prendre de l’importance. Au 30 juin 2022, les PER individuels représentaient ainsi 46,3 Mds€ d’encours, contre 10,7 Mds€ pour les PER d’entreprise collectifs, et 15,7 Mds€ pour les PER d’entreprise obligatoires. Le total se monte ainsi à 70 Mds€, couvrant plus de six millions de personnes – loin devant les objectifs du gouvernement, qui visait 50 Mds€ pour trois millions de personnes à fin 2022.[9]

Ces deux dispositifs sont donc déjà largement utilisés et parfaitement complémentaires dans le cadre d’une épargne retraite individuelle, à condition d’y apporter quelques arbitrages judicieux.

Le Cercle des Épargnants et sa 21e édition du baromètre « Les Français, l’Épargne et la Retraite » par l’institut de sondage Ipsos.

Le temps et l’anticipation à la faveur de la capitalisation

Le système par capitalisation ouvre des perspectives prometteuses pour les retraites françaises, à condition que les intéressés l’anticipent au plus tôt. En janvier 2020, Natixis réalisait une étude[10] évaluant le rendement moyen d’un portefeuille réparti à égalité entre des obligations (bons du Trésor à 10 ans) et des actions françaises (CAC 40), de 1982 à 2019). Il ressortait de ce comparatif que, pour chaque euro cotisé depuis 1982, un système de retraite à 100 % par capitalisation aurait rapporté 21,90 € – contre 1,90 € seulement pour un système à répartition.

Cette différence de rendement annuel – 11,4 % pour le portefeuille placé en actions, contre 6,1 % pour le portefeuille obligataire, selon Natixis – ne doit cependant pas effacer les risques de la capitalisation : les conditions boursières sont fluctuantes, surtout dans la conjoncture actuelle. Par ailleurs, le capital n’est pas garanti, et les pertes peuvent être importantes pour l’épargnant. Il suffit de se rappeler des effets de la crise de 2008 sur les fonds de pension américains, qui ont perdu quelque 2 400 Mds$ sur le second semestre 2008, soit près d’un quart de l’épargne d’un salarié moyen[11].

Il n’en demeure pas moins que le sujet de la capitalisation est incontournable lorsqu’on aborde l’avenir des retraites en France. Avec 3 enfants par femme en 1950, 1,8 aujourd’hui[12], l’évolution démographique du pays est sans appel. La population vieillit et le nombre d’actifs diminue. Certaines réalités doivent donc s’imposer : allongement de la durée de cotisation, réduction du montant des pensions versées, départ plus tardif. Face à cette dégradation des conditions de retraite, plutôt que d’opposer répartition et capitalisation, il conviendrait de les envisager comme des solutions complémentaires permettant, aux côtés d’une épargne individuelle indispensable, de constituer une retraite convenable et de maintenir le niveau de vie. 

Plutôt que d’opposer répartition et capitalisation, il conviendrait de les envisager comme des solutions complémentaires.

L’enjeu essentiel devient alors l’anticipation, quel que soit le statut de l’épargnant. Salarié ou profession libérale, chefs d’entreprises, cadres… Tous sont concernés. Un défi dont les conseillers en gestion de patrimoine doivent s’emparer sans plus attendre : plus tôt des solutions sont mises en œuvre, plus l’avenir peut être envisagé avec sérénité – quelle que soit la forme que prenne la réforme tant débattue.


Les performances passées ne préjugent pas des performances futures.

L’organisme assureur ne s’engage que sur le nombre d’unités de compte, mais pas sur leur valeur. La valeur de ces unités de compte, qui reflète la valeur d’actifs sous-jacents, n’est pas garantie mais est sujette à des fluctuations à la hausse ou à la baisse dépendant en particulier de l’évolution des marchés financiers. 

[1] Agrégation des chiffres en p. 43 Enquête Ipsos 2023

[2] https://travail-emploi.gouv.fr/retraite/le-systeme-de-retraite-actuel/article/chiffres-cles-retraite

[3] https://www.lepoint.fr/economie/reforme-des-retraites-les-implacables-chiffres-de-la-demographie-13-12-2019-2352931_28.php#11

[4] https://www.monde-diplomatique.fr/2023/03/RZEPSKI/65594

[5] https://www.lejdd.fr/politique/tribune-retraites-il-faut-generaliser-la-capitalisation-collective-en-complement-de-la-repartition-132787

[6] http://cercledelepargne.com/lepargne-retraite-en-croissance-malgre-la-crise-sanitaire pour tous les chiffres de ce paragraphe

[7] https://www.franceassureurs.fr/espace-presse/les-communiques-de-presse/assurance-vie-retrouve-niveau-avant-crise-sanitaire-144-milliards-cotisations/

[8] https://www.argusdelassurance.com/epargne/assurance-vie/rendements-assurance-vie-le-palmares-2022-des-fonds-en-euros.209976

[9] https://www.vie-publique.fr/en-bref/287058-loi-pacte-quel-bilan-pour-le-plan-depargne-retraite pour tous les chiffres de ce paragraphe

[10]https://www.research.natixis.com/Site/en/publication/VBrk8ShJr5eJCtggsue_Pcqf_Bdih_gh9L6h3TAZBf4%3D?from=email pour tous les chiffres de ce paragraphe + différence de rendement au paragraphe suivant

[11] https://www.theatlantic.com/business/archive/2015/10/the-recession-hurt-americans-retirement-accounts-more-than-everyone-thought/410791/

[12] https://www.lejdd.fr/politique/tribune-retraites-il-faut-generaliser-la-capitalisation-collective-en-complement-de-la-repartition-132787

Mars 2023 – ER23/FCR0081